vendredi 26 décembre 2008

Andrevon, Jean-Pierre - Cauchemars de sang - Fleuve Noir Gore 26, 1986

Gino Bevillacqua n’a que vingt ans, mais déjà une belle vie minable. Il vit avec sa mère, alcoolisée du soir au matin, dont les hurlements et les injures sont devenues son quotidien. Dans le garage où il travaille, son patron le traite comme un moins que rien, l’insultant toute la journée avec une régularité confinant au harcèlement. Et quand il retrouve sa bande de copains à la taverne, sa frustration n’est pas moins grande, les filles qui lui plaisent lui passent sous le nez et préfèrent les avances des autres garçons. Un jour, Gino commence à faire de drôle de rêves, des cauchemars de sang, dans ceux-ci, il éventre sa mère au couteau ou bien assassine son patron au chalumeau… Vengeance de l’inconscient ? Prémonition ? Ou pire encore ? Que sépare réellement le rêve de la réalité ? Et comment savoir si l’on est éveillé ou si l’on est en train de cauchemarder?

Un livre méchant à conseiller aux étudiants en médecine qui voudrait réviser tout en s’amusant. Ouvrez ce livre et l’anatomie interne humaine n’aura plus de secret pour vous. Ce livre a tout à fait sa place dans cette incroyable collection qu’est « Gore ». Incroyable collection parce qu’ériger le terme en intitulé d’un genre est déjà douteux, mais en faire une collection procède du raffinement le plus complet. Quant en plus ces livres arborent des couvertures aussi explicites… Heureusement, si cette collection comporta beaucoup de livres dont l’intérieur était aussi peu ragoûtant que leurs couvertures, certains auteurs francophones de talent s’y sont aussi illustrés, entre deux traductions abrégées ou massacrées d’oeuvres américaines (une coutume chez Fleuve ou la mention « texte intégral » s’applique peu). Parmi eux, on citera G.-J. Arnaud, Pierre Pelot, Kurt Steiner, Houssin… et, dans le cas présent, l’inévitable Jean-Pierre Andrevon.

L’habilité de ce dernier, c’est de faire coïncider la tendance gore de son roman avec une dimension onirique bienvenue. Ce qui en atténue peut-être l’horreur, mais ne fait plus passer l’accumulation de détails morbides et graveleux pour de la complaisance pure et dure. Plutôt qu’un roman tout à fait « gore », Cauchemars de sang s’avère être un récit fantastique tendance horreur de facture assez classique, plaisant à lire, dans lequel le timing et l’enchaînement des évènements sont maîtrisés avec un grand savoir-faire. Ce qui n’est pas non plus déplaisant, c’est la dimension « sociale » du récit. Quand Jean-Pierre Andrevon nous décrit le Paris des années 80 et ses quartiers pourris, cela sent le vrai, quand il nous décrit les frustrations d’un individu de vingt ans dont la vie de minable est déjà toute tracée, on y croit.

Ma note : 7,5/10

mardi 16 décembre 2008

Pelman, Brice - Attention les fauves - Crime Fleuve Noir 13, 1991 (1ère édition : Spécial-police 1641, 1981)

Depuis la mort de son mari, Doria élève seule ses deux enfants de onze ans, les jumeaux Marieke et Patrick. Un jour soir, elle est sauvagement assassinée dans la maison familiale lors d’une tentative de viol qui tourne mal. Découvrant la cadavre de leur mère le lendemain, les deux enfants, de peur d’être placé en institution (ou pire : être confiés à leur tante qu’ils détestent), décident de ne rien dire à personne et de continuer à vivre comme si de rien n’était. Au grand dépit de leur voisin, Jourdain, le responsable du drame, qui en perdra son latin…

On m’avait dit le plus grand bien de Brice Pelman, souvent cité comme un des auteurs policiers les plus intéressants du Fleuve Noir. J’ai suivi le conseil et bien m’en a pris ! Attention les fauves est une délicieuse histoire macabre qui fait cohabiter le crime le plus sordide et la naïveté enfantine. Les deux enfants sont aussi attachants qu’effrayants. Quant aux adultes, il constitue une jolie galerie de personnages pathétiques et délicieusement brossés. Mention spéciale pour Madame Josepha, grenouille de bénitier puritaine toujours prête à aider son prochain (ou l’emmerder, selon le point de vue).

L’ensemble baigne dans une atmosphère de petite bourgade très bien rendue, et est teinté d’humour noir et de situations quasi vaudevillesques que n’aurait pas reniés l’Alfred Hitchcock de « Mais qui a tué Harry ? ». Pour ma part, la chasse aux Brice Pelman est ouverte !
Ma note : 8/10

Matieson, Budy (Christian Mantey et Pierre Dubois) - Survivance - Fleuve Noir Anticipation 1019, 1980

Présentation de l’éditeur : A l'est de l'Est, au Nord du Nord, au Sud du Sud, à l'Ouest de l'Ouest, le spectacle était le même. Une espèce de grande désolation. La planète n'était rien d'autre qu'une terre brûlée. Les autoroutes ne menaient plus nulle part. Les océans avaient pris de la consistance ; ils étaient comme gélifiés. C'était le temps de l'après... La belle évolution, contrôlée et quasi parfaite de la génération scientifique et technologique d'hier, avait fini par sombrer. Et l'Homme, qui avait toujours été un loup pour ses congénères, avait rapidement recouvré ses facultés engourdies, ses instincts de mort. C'était le temps de la férocité, de la violence. Le temps des Exécuteurs.

Mon avis : Pour la petite histoire, Budy Matieson est un pseudonyme faussement anglo-saxon derrière lequel se cachent les très français Christian Mantey et Pierre Dubois. Pour la petite histoire toujours, « Survivance » est le premier tome des deux volumes des « Chroniques du retour sauvage », qui préfigurèrent la série Jag qui connaîtra 34 tomes de 1985 à 1994 (d’abord chez Plon, aux Pressses de la Cité puis finalement chez Vaugirard). La série était écrite sous le pseudonyme barbare de Zeb Chillicothe, sous lequel on pouvait encore trouver la plume d’autres auteurs tels que Joël Houssin ou Serge Brussolo.

Dans ce retour sauvage, « Survivance » s’attache au destin de Claymore, un exécuteur, sorte de tueur à gage des temps nouveaux. Ceux qui exercent cette fonction, à l’instar du Samouraï de Melville, suivent un code d’honneur très strict. Ils ne peuvent refuser un contrat, et une fois l’avance reçue, ils doivent l’honorer par tous les moyens, au mépris de leur propre vie. Claymore ne connaît pas d’autre manière de vivre. C’est sa « survivance » à lui.

Comme l’indique le résumé, et le titre de la série, on est dans le post-apocalyptique, quasiment considéré comme un genre à part entière, avec ses codes et ses archétypes. Bien sûr nombre d’entre eux ont été piqués à d’autres genre : western, mais aussi… fantasy. Non pas qu’on ait affaire à l’intervention de la magie, mais le héros, genre musculeux bas de plafond qui aime les armes blanches, possède des petits airs de Conan le barbare. C’est encore plus flagrant lorsque notre ardent héros combat des monstres du genre gros reptiles mutants dans des marais putrides ou tombe amoureux d’une splendide femme plantureuse avec qui il se baigne nu sous les cascades… Ce qui donne lieu à quelques scènes érotico-romantique d’un kitsch absolu.

Vous l’aurez deviné, Survivance n’est pas de la grande littérature. Et le lecteur devra s’armer d’un certain second degré pour apprécier tout le sel de l’aventure. Mais c’est d’une lecture agréable. L’écriture, dans la manière qu’elle a d’aligner les belles phrases ultimes et péremptoires y est pour beaucoup. Aux clichés thématiques s’ajoutent ceux, langagiers, d’une littérature populaire de pur divertissement. L’ensemble s’avère donc cohérent et remplit honorablement son contrat.

Ma note : 6,5/10

samedi 13 décembre 2008

Wul, Stefan - Le temple du passé - Pocket SF 1979 (1ère édition Fleuve Noir Anticipation 106, 1957)

Un équipage en perdition dans l’espace atterrit en catastrophe sur une planète inconnue et se retrouve dans le ventre d’un monstre extra-terrestre baignant au fond d’un océan sans nom. Armés de leur savoir scientifique, les trois survivants devront ruser pour sortir de ce fichu pétrin, faire évoluer le monstre et le faire marcher sur la terre pour espérer un jour sortir de ce piège animal.

Le style de Stefan Wul a toujours été le même, sa recette fonctionne sur moi à chaque fois : aventure rocambolesque, imagination fertile, naïveté scientifique, sens de l’allégorie et du symbole, présence sous-jacente du religieux… Tout est là. Ce roman court datant des années 50 a certes vieilli mais se lit encore aujourd’hui avec beaucoup de plaisir. Pour certains, il s’agit même du meilleur roman de Wul. Je n’affirmerais pas ça, car j’en ai préféré d’autres et j’ai trouvé, malgré la faible épaisseur du roman, qu’il y avait ici quelques longueurs inutiles et que ce récit aurait peut-être gagné à être une grosse nouvelle plutôt qu’un roman. Mais la fin, que je ne peux vous divulguer, est étonnante. Elle donne à l'ensemble du roman une autre dimension, plus fantasque peut-être, mais qui nous rapprochent de nos rêves d'ados.
Ma note : 7,5/10

Brown, Fredric - L'univers en folie (What mad universe) - Folio SF, 2002 (année de création : 1949)

Keith Winston, journaliste dans une revue de science-fiction se trouve projeté dans un univers parallèle délirant. Un univers dans lequel la terre livre un combat sans merci contre les Acturiens. Un univers dans lequel les machines à coudre permettent de voyager dans l’espace. Pris pour un espion acturien, Winston devra redoubler d’astuce et user de sa connaissance de la science-fiction pour sauver sa peau.

Un des sommets de l’œuvre de Fredric Brown ! Ce roman, en plus d’être drôle est vraiment passionnant, est aussi un vrai récit d’aventure, plein de péripéties en tous genres. Usant et détournant les gros clichés de la SF populaire, l’auteur s’amuse et cela se sent. Le plus délirant, c’est peut-être que l’écrivain trouve une explication finale « scientifique » à cet univers absurde. Si vous êtes las de ces écrivains de SF qui se prennent trop au sérieux, faites une petite cure de Fredric Brown, ça soulage et cela remet les pendules à l’heure !


Ma note : 9/10

vendredi 12 décembre 2008

French, Nicci - Sourire en coin - Pocket Thriller, 2007

Résumé de l'éditeur : Lorsqu'elle surprend son petit ami en train de lire son journal intime, Miranda met aussitôt fin à leur liaison. Brendan a beau être un fiancé idéal, aimable, souriant, disponible, elle ne peut supporter cette intrusion dans sa vie privée. Quelques jours plus tard, Miranda apprend que Brendan a entamé une relation avec sa sœur Kelly. Coïncidence ? Hasard troublant ? Puisque Kelly est follement amoureuse et la famille ravie de cette idylle, Miranda n'a aucune raison de douter des sentiments du jeune homme. Vraiment aucune ?

Mon avis : C'est le premier roman des auteurs (sous ce patronyme se cache un couple d'auteurs) que je lis et je suis agréablement surpris. L'intrigue est solide et bien bâtie, et malgré le caractère a priori banal de l'intrigue, ils arrivent à surprendre sans cesse le lecteur. Et ce jusqu'à la pirouette finale. Certains personnages sont un peu trop typés, je pense notamment à la mère ou à la soeur. Mais le personnage principal est en revanche bien présent et consistant. On suit avec un certain délice sa descente aux enfers qui nous est racontée au jour le jour avec un sens de la précision et du quotidien assez rare.

Ma note : 8/10

Ecken, Claude - Le cri du corps - Fleuve Noir Anticipation 1793, 1991

Résumé de l'éditeur : Certaines personnes tombent souvent malades, un peu trop souvent même. Aziki a beau soigner ce client qui collectionne tous les virus, il revient encore et toujours. Avec des maladies qui n'existent pas. Quand il se transforme en monstre, n'est-il pas trop tard pour se poser des questions sur son cas ?

Mon avis : Le cri du corps, c'est tout d'abord un ouvrage radical et sans complaisance sur le rapport entre un patient et son médecin traitant. C'est aussi un roman fantastique qui interroge les limites de l'humanité et de la compassion. Le personnage principal est attachant et le roman réellement prenant. Seule la fin, sans doute assez prévisible au vue de la nature absurde de son intrigue m'a un petit brin déçu.


Ma note : 7,5/10

Morris G. - Une secte comme beaucoup d'autres - Fleuve Noir Anticipation 1109, 1981

Parce qu’il a juste envie de la sauter, Michel a accepté d’aider la délicieuse Karen à retrouver sa sœur jumelle, Karin, embrigadée dans une secte d’illuminé, qui a pris possession du château alsacien de Kaisersbrück. Dès leur arrivée dans le délicieux patelin, Michel et l’objet de ses désirs découvrent que la patelin est sous l’influence de forces étranges qui font hurler les chiens, bouger les objets et monter en flèche la libido des habitants de coins, pris, à certaines heures d’irrépressibles envie sexuelles. Ce qui n’est pas tout à fait pour déplaire à notre héros qui, non content de conclure plus tôt que prévu avec la pétillante Karen, goutera sans y rechigner à la gente féminine de la populace locale….

Ce roman fût une nouvelle occasion de retrouver la plume amusée, tendance San Antonio, de Gilles Morris. Et c’est comme à chaque fois, un pur régal au niveau de l’écriture, un amusement perpétuel, un morceau de poésie populaire tendance presque grivoise. Gilles Morris est l’exemple le plus flagrant d’un fait assez reconnu : la plupart des écrivains de la collection Anticipation étaient à la base des auteurs de policier ou de polar reconvertis, par les vœux d’un éditeur, en écrivain de SF. Et le mélange est parfois délicieux. Il y a en plus chez Gilles Morris ce goût pour la France profonde, cette manière d’écrivain régional qui achève de donner à ce roman, un parfum assez rare, celui d’un roman bâtard, qui aurait gardé de chacun de ses parents les caractéristiques les plus intéressantes.


Ma note : 7/10

Stork, Christopher - Les derniers anges - Fleuve Noir Anticipation 1053, 1981

Nous sommes dans un petit bourg côtier du sud de l’Irlande. Un écrivain voit s’installer une famille, les Anderson dans la maison voisine de la sienne. Très vite cette famille apparemment modèle intrigue les habitants du coin. Ils se ressemblent trop. Entre eux, ils parlent une langue étrange. Et certaines nuit une mystérieuse lumière bleue émane du toit de leur maison.

Les derniers anges de Christopher Stork est un de ces romans dans lequel on rentre très facilement, les premiers chapitres sont très accrocheurs. J’ai particulièrement apprécié la manière dont Stork a su ménager deux choses : le climat d’attente, d’observation et la petite suite de rebondissement assez rapides dès le début de l’intrigue, qui rythme cette dernière de manière assez admirable. En revanche, la fin du roman est un brin décevante. Décevante peut-être d’abord et surtout parce que ce fichu titre nous révèle le pot au roses avant même d’avoir entamé la première ligne du roman. J’imagine que l’éditeur a du se dire que ce titre était plus vendeur sans même réaliser qu’il cassait une bonne part du suspense savamment distillé par Stork pendant les trois quarts du roman. Décevante aussi car à force de vouloir tout expliquer, l’auteur tombe un peu dans un certain ridicule. La résolution flirte un avec la série B pour ne pas dire Z avec sa mystique à deux balles… Alors qu’il aurait été bien plus beau que certaines questions restent totalement en suspens et que notre héros, et le lecteur, achève l’aventure un peu sur sa faim. A lire tout de même, malgré cette fin mal négociée… Pour ce qui est de la couverture, préférez celle de la réédition, plutôt que celle de l’édition originale, qui n’a aucun rapport avec le roman…
Ma note : 6,50/10 (Admirez la précision!)

Brussolo, Serge - Ma vie chez les morts - Denoël, collection Présences, 1996

Résumé de l'éditeur : David venait d'avoir douze ans et, trois jours auparavant, sa mère lui avait appris qu'ils iraient bientôt vivre chez les morts...
Car les morts ont désormais la possibilité de revenir sur Terre. Préservés de toute altération, voire soignés de leur personne, presque séduisants, ils n'ont rien des zombis terrifiants popularisés par un certain cinéma à sensation, même s'ils se comportent parfois de façon un peu bizarre...
Mais que faire d'eux ? D'abord, préjugés obligent, il a fallu les parquer dans des réserves. Puis leur rendre inaccessibles les métiers exercés par les vivants. Pensez ! Contrairement à ce qu'on nous a toujours raconté, les morts ne sont ni tristes ni déprimants ; qui plus est, ils sont beaucoup plus créatifs que les vivants et paraissent jouir d'un don de double vue qui peut s'avérer fort lucratif dans certaines circonstances. Bref, ils sont bien agaçants...
Au point qu'une certaine jalousie commence à germer dans le clan des vifs...
Sous la forme d'un conte philosophique doux-amer, le carnet de voyage d'un petit garçon qui découvre soudain que les morts-vivants ne sont peut-être pas toujours ceux que l'on pense.

Mon avis : Un bien beau roman que ce « Ma vie chez les morts ». D’abord amusant et farfelu, ironique et malicieux, ce court récit se transforme peu à peu en balade mélancolique dans laquelle l’auteur a insufflé quelques belles réflexions sur la vie, la mort, le temps et la destinée humaine. Le personnage de David est attachant, et l’affection qu’éprouve pour lui le lecteur ira en grandissant au fur et à mesure que se dessinera sa destinée solitaire, son éloignement progressif et inéluctable vis-à-vis de sa mère. S’agit-il d’un roman fantastique ou de science-fiction ? Ni l’un, ni l’autre, « Ma vie chez les morts » est plutôt une fable métaphysique désenchantée et néanmoins enchanteresse.


Ma note : 10/10

Brussolo, Serge - Les mangeurs de murailles - Fleuve Noir Anticipation 1183, 1982

Une ville-cube composée d’une multitude de cellules différentes comme autant de villages isolés les uns des autres est habitée par des individus qui ignorent tout de l’extérieur. Une guerre bactériologique a-t-elle vraiment ravagé la terre ? Le cube est-il enfoui sous terre ou en suspension dans l’espace ? Depuis quelques temps, des insectes mangeurs de murailles rongent les cloisons de séparation, mettant à mal le principe d’étanchéité entre étages et cellules qui gouverne le fonctionnement du cube. Ce monde clos sur lui-même court-il à sa perte ? Les hommes qui y vivent sont-ils prêts à se rencontrer ?

Pour son premier livre dans la collection Fleuve Noir Anticipation, Serge Brussolo frappait juste : ce roman est prenant et foisonnant d’images hallucinées. On sent l’auteur également directement à l’aise avec les contingences d’une collection populaire. Il faut de l’action, un souffle aventurier, peu de temps morts et un format court. Brussolo ne donne jamais l’impression d’être à l’étroit. On retrouve ici tout son talent de « sociologue de l’imaginaire », la description des comportements au sein de la ville-cube est prenante. Ce roman est assez exemplaire de la manière dont Brussolo aime disséquer un système pour en extirper les mécanismes et les faux-semblants.


Ma note : 8/10

Andrevon, Jean-Pierre - Visiteurs d'apocalypse - Fleuve Noir Anticipation 1741, 1990

Résumé de l'éditeur (hé oui, parfois la paresse me gagne, mais quand celui de l'éditeur est très bien, pourquoi se priver?) : Ils sont tous dans la mine : les deux journalistes, le directeur et sa mignonne épouse, l'ingénieur nucléaire et le vieux notaire homo, le chef de chantier et sa copine aux gros seins. Un bel échantillon d'humanité... Ils sont sous la terre, coincés, quand les lumières s'éteignent et que la radio crache avant de mourir : « C'est la guerre atomique ! » La guerre atomique, vraiment ? Ou autre chose, de plus terrible encore ?

Mon avis (écrit par moi tout seul avec mes dix petits doigts) : Visiteurs d’apocalypse n’est sans doute pas un grand roman, mais un récit habilement mené, prenant de bout en bout et habité par des personnages à la psychologie bien trempée. Dans le genre post-apocalyptique, il n’est pas fondamentalement original. Beaucoup de scènes évoquent sans peine au lecteur d’autres scènes déjà vues ou lues dans d’autres œuvres traitant des mêmes thèmes. Mais cela n’entache pas pour autant le plaisir de lecture. Le style direct et soigné d’Andrevon fait souvent mouche, son humour et la manière qu’il a d’embrasser l’humain dans ses rares grandeurs et ses petites bassesses ne manquent pas de charme.


Ma note : 7/10

jeudi 11 décembre 2008

Brussolo, Serge - Crache-béton - Fleuve Noir Anticipation 1315, 1984

Crache-béton est un des romans les plus fous de Serge Brussolo, un roman fou mais parfaitement accessible, son mode de narration est celui d’un récit d’aventure assez classique. Ce qui en fait l’originalité, c’est le caractère totalement invraisemblable des évènements décrits ! Une station balnéaire en bordure d’un immense lac est devenue la proie de baleines exotiques extraterrestres. Initialement chargées de distraire les touristes, elles se sont mises soudainement à cracher sur la ville des tonnes de pierres. La vie des habitants est devenue impossible. En surface, des milices interdisant de quitter la ville obligent des esclaves à combattre les baleines à l’ancienne. Dans les égouts, la situation n’est pas plus idyllique : un nouvel ordre s’est installé, nouvel ordre tyrannique où les hommes sont obligés au travaux forcés et les femmes à la prostitution. Fabuleux grand n’importe quoi ce roman est assez représentatif de la période Fleuve noir de Brussolo. Epoque où son imagination ne censurait pas les idées les plus délirantes qui lui venaient à l’esprit. Ce qui frappe dans ce roman, c’est la quantité et la diversité des évènements racontés. Alors que d’autres aurait trouvé là matière à trois ou quatre romans différents, Brussolo condense un nombre incroyable d’idées dans un seul court roman de 182 pages. L’intrigue va à cent à l’heure et il est difficile d’échapper au suspense savamment distillé.
La première édition date de 1984. La deuxième édition, dans la même collection, en 1993. La dernière en date, toujours disponible, celle des éditions Vauvenargues date de 2007.
Ma note : 8/10

Walther, Daniel - La pugnace révolution de Phagor - Fleuve Noir Anticipation 1317 (1984)

Au sein de la collection Anticipation, Daniel Walther fait un peu figure d’extra-terrestre. Alors que ses confrères ont plutôt à cœur, ou la recommandation, de faire simple, le style de Daniel Walther est quasiment précieux. Tout est à l’image du titre : « La pugnace révolution de Phagor ». Pour un peu ce dernier passerait complètement inaperçu au sein de la collection, mais le mot « pugnace » donne une image assez juste du style de ce roman. Daniel Walther a du vocabulaire, et il le montre. Il faut quelques pages d’acclimatation avant de se faire à son style, sa manière de tourner autour du pot, d’aligner les effets littéraires somme toute un peu gratuits. Par contre, sur le fond, et c’est là le paradoxe, « La pugnace révolution de Phagor », c’est du Fleuve noir Anticipation tout ce qu’il y a de plus standard. Une histoire de révolution contre un pouvoir dictatorial sur une planète aux mœurs redevenues quasi moyenâgeuse pour ne pas dire antique. Ce qui nous vaut des scènes de franche sauvagerie (batailles, jeux de cirque) et les inévitables scènes de luxure. L’ensemble n’est pas déplaisant à lire mais, c’est la limite de ce roman, le style précieux nous met à distance des évènements racontés en quasi permanence. Et on a un peu l’impression que l’auteur nous raconte de manière inutilement compliquée des choses relativement simple. Un peu tout le contraire des meilleurs raconteurs d’histoire de la collection (Serge Brussolo, Stefan Wul, Gilles Thomas) qui racontaient de manière simple des histoires sur le fond bien plus riche, dans leur thématique, que ce que l’on pouvait en penser au premier abord.
Ce qui rend la chose moins évidente c’est aussi la disproportion inexplicable qui existe entre certains évènements et d’autres. Walther peut nous raconter pendant tout un long chapitre (le roman n’en comporte que cinq) ce qui se passe dans une chambre entre trois individus, et nous narrer le siège d’une ville en quelques pages. Comme si ce qu’il racontait n’était qu’une simple convention, que l’histoire finalement n’avait pas beaucoup d’importance et que seul comptait le style. Si prises individuellement certaines scènes sont superbes, l’ensemble peine à maintenir un vrai suspense. Du coup, on a quand même un peu la sensation d’avoir affaire à un écrivain au style riche qui se forcerait, se briderait à faire de la SF populaire, sans pour autant renier sa manière d’écrire. Et le résultat, s’il n’est inintéressant, semble tout de même un peu vain. Daniel Walther tue les mouches au bazooka. Il y a une telle disproportion entre la finalité et les moyens utilisés. Un peu comme si on avait demandé à Gustave Flaubert d’écrire un épisode de SAS ou à Victor Hugo de nous pondre un Bob Morane.

Note : 6/10

Houssin, Joël - Voyeur - Fleuve Noir Anticipation 1265 (1983)

Voyeur, comme son nom l’indique, c’est l’histoire d’un homme qui regarde les femmes. Mais cela ne s’arrête pas là ! Et c’est là que la SF devient une belle allégorie de nos comportements mentaux. Il les découpe mentalement, il choisit chez une femme un morceau, un autre détail chez une autre, il rentre chez lui et apporte ces pièces de puzzle à une entité extra-terrestre qui peut prendre n’importe quelle forme. Peu à peu, il constitue sa femme idéale… Pure allégorie des comportements mentaux sexuels masculins, Voyeur est un livre cru qui nous fait visiter un Paris nocturne côté Bois de Boulogne rempli d’obsédés sexuels, de voyeurs et d’exhibitionnistes. Fétichisme, sado-masochisme… tout y passe. C’est glauque mais drôle, c’est cru mais vivant et cela se termine sous la forme d’un énorme gag qui prouve qu’on est là avant tout pour s’amuser. Un grand roman de série B, une espèce d’objet littéraire non identifié, entre pornographie, érotisme et science-fiction populaire.

Ma note : 9/10

Jan, Gabriel - Rêves en synthèse - Fleuve Noir Anticipation 1020, 1980

J’avoue éprouver une fascination étrange pour ce roman pourtant, en définitive, pas spécialement extraordinaire. Et cela pour une raison assez amusante.
Résumons le propos : quatre individus prêts à se suicider sont embauchés par de mystérieux scientifiques qui leur proposent de prendre part à une expérience d’un nouveau genre, celle de vivre ensemble une aventure reliés à une étrange machine appelée synthétiseur de rêves. Les quatre individus se retrouvent donc dans un espace qui n’existe pas et élaboré par un ordinateur qui suit un programme prédéfini. Bon sang mais c’est bien sûr ! L’expression n’est pas utilisée mais il s’agit ni plus ni moins de « réalité virtuelle ». Sauf que là, Gabriel Jan nous parle de « rêve en commun » et non d’« espace virtuel » ou de « matrice ». Qu’est-ce qu’il a d’étonnant ce roman alors ? Ca sent un peu le Matrix du pauvre, tout cela. Et des Matrix du pauvre, il y en a déjà plein les librairies. Oui, MAIS PAS EN 1980 ! Ce roman a ceci d’étonnant qu’il a été publié en 1980 et que ce n’est qu’en 1985, soit cinq ans plus tard, que sera édité le Neuromancien de William Gibson, considéré comme le premier roman cyberpunk, le premier à utiliser le terme de réseau, de matrice au sens où on l’entend aujourd’hui. Je vous entends d’ici : qu’est-ce que tu me racontes-là ? Gabriel Jan, qui n’a rien d’un grand écrivain, juste un de ces faiseurs de la SF populaire vite écrite vite lue tel qu’on en trouvait dans la collection Anticipation du Fleuve Noir aurait été le précurseur de Gibson, chantre de la SF intellectuelle et branchée des années 80 ? Et bien oui, presque… presque parce qu’il manque tout de même quelques éléments pour que cela soit vraiment du cyberpunk avant la lettre. D’abord écarter l’idée et l’analogie du rêve, franchement mauvaise et boiteuse, ce que ne fait pas Gabriel Jan qui s’empêtre dans des explications foireuses à faire se retourner Sigmund Freud dans sa tombe. Ensuite, la fin du roman montre que ce n’était qu’un leurre et la véritable explication, elle, n’a plus cinq ans, mais semble toute droite sortie d’un roman de SF des années 50. Sur ce point, je n’en dirais pas plus pour ménager le suspense (bande de petits veinards !). Et voilà comment un roman qui aurait pu, à un cheveu près, être le premier d’un nouveau mouvement de SF (le cyberpunk) redevient en l’espace de 200 pages, de la « bonne » vieille SF populaire tout ce qu’il y a de plus old school.

Mais alors, il est à lire ce roman, oui ou non ? Foncièrement, non, pas plus celui-là que bien d’autres titres de la collection Anticipation. Car ce roman n’a pas comme seul défaut de louper le coche. Il est peuplé de personnages à la psychologie rudimentaires et rempli d’incessants dialogues ultra répétitifs, qui semblent destinés à rallonger inutilement la sauce d’un roman qui aurait pu être encore nettement plus mince. Le style est simple d’accès mais relativement plat. Bon, ça se laisse tout de même lire et la suite des évènements est relativement intriguante pour encourager la poursuite de la lecture...

Mais c’est surtout à lire si vous vous intéresser à l’histoire du sous-genre Cyberpunk et c’est assez instructif de voir comment un tireur à la ligne comme Gabriel Jan, décédé il y peu temps dans l’oubli le plus total des amateurs de SF, a pu, sans y parvenir vraiment, pressentir une des évolutions majeures de la science-fiction des années 80. Que tous les thèseux et autres doctorants qui s’intéresseraient à l’étude du genre puissent s’en rappeler et lui rendre justice !


Note : 5/10

Brussolo, Serge - Le château d'encre - Denoël, Présence du futur 453, 1988

Le château d’encre, c’est une maison dans laquelle la nuit ne se dissipe jamais. C’est là où vivent un jeune garçon, sa grande sœur et leur mère. Le garçon regarde le monde à travers la lucarne du grenier, un monde qui s’est adonné à une étrange pratique. Les gens se déplacent désormais avec leur ombre, créature flasque, greffée à leur talon qu’ils traînent derrière eux et dans laquelle leur corps rejette tous les microbes, virus et autres toxines. Impossible de résumer mieux un livre totalement inénarrable à la construction aussi poétique que mystérieuse. Est-ce là une fable platonicienne sur notre rapport au monde ? Une autobiographie déguisée ?
Quoiqu’il en soit, Le château d’encre est peut-être à la fois une des œuvres les plus méconnues de Brussolo mais également, délicieux paradoxe pour un écrivain populaire, une des ses plus belles ! D’entrée de jeu on sait que l'on est dans la veine poétique et fabulatrice du « Syndrome du scaphandrier » ou de « Mange-monde », avec un zeste de « Ma vie chez les morts » pour l’admirable description des rapports complexes entre une mère et son fils. C’est un récit avant tout amusant, tant il ressemble à une accumulation d’idées absurdes s’appelant les unes les autres, mais aussi extrêmement émouvant dans la description de la vie quotidienne de cette famille pas comme les autres, dans l’évocation du temps qui passe et de la perte de l’innocence de l’enfance. Le château d’encre est un livre de rage aussi tant la violence interne du personnage principal est grande, un livre de désespoir tant sa situation, son rapport au monde, semble le vouer à une damnation irrémédiable. On referme le livre troublé, sentant qu’on vient d’achever un livre rare, fragile, qui nous a fait toucher du bout des doigts une bien étrange métaphysique de l’absurde.
Ma note : 11/10 (si, c'est possible!)

Valente, J.-M. - Propriété privée - Fleuve Noir, Spécial-police 1747, 1982, 183 p.

Pierrot et Antoine sont deux petits malfrats sans aucune envergure, sans autre projet précis que celui d’essayer de prendre du bon temps. Après avoir volé une moto à paris, ils débarquent à Marseille et élisent domicile dans une villa inoccupée. Au cours de leur squat, ils découvrent leur voisine : une jeune femme, compagne d’un vétérinaire, qui passe ses journées nue au bord de sa piscine. Michèle, c’est son nom, est malheureuse, elle sait que Jean-Paul la trompe avec la jeune assistante vétérinaire franchement débarquée de Bretagne. Sa jalousie la ronge, jour après jour, la détruit de l’intérieur, elle ne sait combien de temps elle pourra faire semblant et jouer à celle qui ne sait pas encore. La propension de Michèle à se baigner nue ne laisse pas insensibles ses deux voisins clandestins. Antoine, le plus gentil des deux, mais aussi le plus fragile, est littéralement sous son charme. Les projets de Pierrot sont d’un autre ordre…

Coup de cœur pour ce polar court et vif. A priori peu ambitieux mais si intelligemment écrit, avec un sens de la situation, du rebondissement et de la psychologie qui donne froid dans le dos. L’écriture est claire, limpide, directe et sans fioritures inutiles. Valente va à l’essentiel et même si la mise en place du roman est relativement complexe, le lecteur n’éprouve aucun ennui face à une mécanique narrative si bien huilée. Une fois tout en place, le troisième acte se déroule à la vitesse grand v avec une implacable logique, celle des romans noirs et des polars les plus sombres et une superbe révélation finale nous achève définitivement, nous laissant carrément pantois. Un grand « petit » roman d’un écrivain tout à fait méconnu.


Ma note : 8/10

Morris G. - Soucoupes violentes - Fleuve Noir Anticipation 1033, 1980

Pour moi, la lecture de quelques œuvres de Gilles Morris a été une belle découverte. Pas de celle qui change une vie ou marque à jamais la mémoire d’un lecteur. Mais résolument celle d’une littérature amusante, jamais prise de tête et au parfum particulier : j’aime la manière dont l’auteur marie un décor très terroir façon vieille France à la science-fiction. Un peu comme si San Antonio ou Léo Malet s’étaient mis à faire de la SF. Cela sent bon le parler populaire et les petits hommes verts. Je sais, dit comme ça, cela peut faire peur, on pense irrémédiablement à « La soupe aux choux ». La comparaison s’arrête là, Soucoupes violentes est un livre poétique et désabusé, qui sait aussi distiller des émotions.

Ma note : 7/10

Brussolo, Serge - Enfer vertical en approche rapide - Fleuve Noir Anticipation 1446, 1986

Quatrième de couverture : C'était une prison sans barreaux, sans geôliers. On n'y rencontrait qu'un seul interlocuteur : un distributeur de sandwiches blindé comme un coffre-fort et plus intelligent qu'un ordinateur. Un distributeur de sandwiches qui n'acceptait de vous donner à manger qu'en échange d'un petit sacrifice : recevoir une décharge électrique à travers le corps, par exemple. C'était une curieuse machine, à la fois dieu et diable, conçue pour vous rendre la vie impossible et la mort insupportable. Une saleté de distributeur, qui finissait par régner en tyran sur ce bagne des plus moderne, et vous forçait à pratiquer l'autopunition à outrance. Certains décidèrent de lui faire la guerre... Ils ne tardèrent pas à s'en repentir !

Mon avis : Il faut qu’on le sache, 12 ans avant le film culte « The cube », du réalisateur Vincenzo Natali (1997), Serge Brussolo avait déjà tout écrit. Le huis clos qui se déroule dans un univers carcéral high-tech envisagé comme instrument de torture, jusqu’à preuve du contraire, il est le premier à y avoir pensé. Ce roman est l’œuvre d’un sadique, d’un écrivain mi-génie mi-fou qui aime se jouer de ses personnages comme de ses lecteurs. Une plongée en enfer ? Non, une ascension vers l’enfer, ce qui est encore plus troublant.

Il faut préciser une chose, j’ai lu « Enfer vertical », la réédition augmentée parue chez Vauvenarges et non « Enfer vertical en approche rapide », le roman originellement paru dans la collection anticipation. La seule chose qui différencie fondamentalement ces deux livres est le remaniement de certaines tournures de phrases et l’ajout d’un prologue et d’un épilogue. Mais il faut savoir que ces deux-là modifient considérablement l’œuvre. Dans la version de 1985, le sadique Brussolo nous laissait dans l’inconnu. Dans celle de 2004, il nous en dit plus sur le sort du héros mais ajoute un mystère de plus. Les deux versions sont intéressantes mais résolument différentes ! Le première est la plus démoniaque, la seconde un peu plus subtile. Entre les deux, mon cœur balance. Préférez néanmoins la lecture de la version de 2004, dans la mesure ou elle « contient » l’autre.

Dernière remarque : le thème de l’enfermement est un thème majeur dans l’œuvre de Brussolo et il prendra encore cette forme high-tech dans les derniers chapitres du délirant « Sécurité absolue », dont la lecture est elle aussi chaudement recommandée.


Ma note : 9/10

Steiner, Kurt - Brebis galeuse - Fleuve Noir Anticipation, 1974

Brebis galeuses est un roman à part au sein de la collection Anticipation. Tout d'abord à cause de sa qualité. Une fois le premier chapitre entamé, il est difficile de décrocher. Sans doute aussi à cause de son originalité, la description de ce monde clos sur lui-même, habités par des gens jamais malades mais où les condamnés se voient inoculer des maladies est saisissante. Comme dans les meilleurs Brussolo, on nage entre l'absurdité la plus complète et la furieuse logique interne de cet univers clos. Le roman, dont les trois-quart laisse une belle part à l'aventure et l'action, commence et se termine par des réflexions cosmologiques ludiques du plus haut niveau. Et si l'univers pouvait se retourner comme un gant?J'ai posté ici la première édition, il a été réimprimé deux fois depuis, chez J'ai lu en 1977, et à nouveau dans la collection anticipation de Fleuve Noir en mai 1989, sous le numéro 1692.

Ma note : 8/10

Stork, Christopher - L'usage de l'ascenseur est interdit aux enfants... - Fleuve Noir Anticipation, 1980

La lecture de ce titre de science-fiction peu connu fût une bonne surprise. Même s’il partage beaucoup de points communs volontaires ou non avec les « Coucous de Midwich », chef d’œuvre de John Wyndham, ce roman de Christopher Stork ne manque pas de charme et d’humour. Une invasion extra-terrestre sous forme d’enfants mystérieusement surdoués qui commencent à commander les adultes, c’est plutôt original. Développer l’idée que le passage à l’âge adulte ne serait qu’une maladie, une dégénérescence de l’être humain est audacieux, certes naïf, mais réellement amusant. Et comme en plus l’intrigue se termine sur un coup de théâtre particulièrement dramatique de toute beauté, ce titre s’impose comme un des fleurons de la collection Anticipation du Fleuve Noir.

Ma note : 8/10

Arnaud, G.-J. - Je ne vivrai plus jamais seule - Fleuve Noir Spécial-Police 1295, 1976

Lorraine Lemery vit seule, son mari est en Argentine pour des raisons professionnelles. Elle lui écrit deux fois par semaine. Dans une de ces lettres, elle lui annonce qu’elle est enceinte. Bonheur suprême pour une femme qui se croyait stérile ! Certains jours, elle quitte son mas de Provence et se rend à Toulon, où elle loue un petit appartement. Là, elle se transforme en Claire, petite dactylo, épouse d’un militaire en mission à Tahiti. Et chaque jour, à midi, elle retrouve Pauline, sa nouvelle amie, enceinte de deux mois. Pourquoi cette double vie ? Pourquoi cache-t-elle sa véritable identité à son amie ? Et pourquoi, surtout, fait-elle semblant d’être elle aussi enceinte ?

Un bon petit Arnaud de derrière les fagots. Il suffit de quelques pages pour percevoir l’habilité de ce grand conteur populaire. Très vite on se sent le spectateur privilégié des actes d’un personnage double, pour ne pas dire triple. Entre ce que Loraine est réellement, ce qu’elle raconte à son mari, et cette identité qu’elle s’est fabriquée, il y a un jeu subtil par lequel nous devinons très vite (peu de suspense là-dessus) ce qu’elle projette de faire : enlever l’enfant de son « amie » une fois qu’il sera né. Evidement, ce « programme » bien établi, notre héroïne ne saura pas l’exécuter à la lettre, car Arnaud va lui mettre quelques bâtons dans les roues. N’hésitant pas à accélérer les choses et à faire bifurquer l’intrigue violemment, l’auteur amène les bons rebondissements aux bons moments. Même la dernière page nous réserve une surprise de taille.

Seul petit défaut de ce roman : c’est tout de même un peu bavard et dans cette abondance, certain dialogues paraissent un petit peu artificiel. C’est dommage, sans cette petite facilité, on aurait pu ranger ce « Je ne vivrai jamais seule » à côté des meilleurs romans noirs de Simenon.

Note : 7/10