jeudi 19 août 2010

Adam Olivier - Le coeur régulier - Editions de L'Olivier, 232 pages, 2010

Après la mort de son frère qu’elle assimile à un suicide, Sarah fuit sa famille qu’elle ne comprend plus, son mari qu’elle ne supporte plus, ses enfants qu’elle ne reconnaît plus. Elle se retrouve au Japon, dans un petit village célèbre pour ses falaises qui attirent de nombreux candidats au suicide. Elle sait que son frère a été l’un d’eux et que sa rencontre avec un certain Natsume l’a détourné de l’irréparable. Ce dernier est célèbre dans tout le Japon et même au-delà. Il passe ses journées et ses nuits à parcourir les falaises pour dissuader les suicidaires. Il les ramène chez lui, s’occupe d’eux et les libère… apaisés.

Là-bas, Sarah veut comprendre le destin de son frère, les raisons de sa différence, de leur différence. Elle a tout pour être heureuse, un mari, des enfants, de l’argent, une réussite sociale qui aurait du lui suffire. Nathan, son frère, n’a rien réussi, mais est resté intègre face à ses rêves et ses idéaux…


Olivier Adam s’interroge sur ce qui gouverne nos vies : faut-il se résigner, vivre une existence morne et sans surprises ou aller au bout de ses choix, quitte à se fracasser ? Renvoyant dos-à-dos logique occidentale et pensée orientale, il cherche pour ses personnages la possibilité d’une liberté métaphysique et livre, avec ce huitième roman, une lumineuse ode funèbre à l’exotisme enchanteur.
Ma note : 9/10

Gaudé Laurent - Ouragan - Actes Sud, 2010, 180 pages, 18€

Présentation de l'éditeur :

Au coeur de la tempête qui dévaste la Nouvelle-Orléans, dans un saisissant décor d'apocalypse, quelques personnages affrontent la fureur des éléments, mais aussi leur propre nuit intérieure. Un saisissant choral romanesque qui résonne comme le cri de la ville abandonnée à son sort, la plainte des sacrifiés, le chant des rescapés.


Mon avis :

Le roman était prometteur à plus d’un point de vue. Premièrement son auteur, prix Goncourt 2004 pour Le soleil des Scorta n’est pas un manchot en matière d’écriture. Deuxièmement son sujet où plutôt son cadre (l’ouragan Katrina) était alléchant. Troisièmement, la lecture du premier chapitre révélait une entrée en matière d’une efficacité redoutable. Passant rapidement d’un personnage à l’autre, situant très rapidement la situation et les enjeux de chacun, il se terminait de manière inventive en entremêlant par une écriture nerveuse la destinée de tous les protagonistes dans un récit choral, haché, rythmique et bousculé, préfiguration de la tempête à venir.

Malheureusement l’ensemble du roman n’est pas du même tonneau. Le récit devient vite poussif, les passages d’un protagoniste à l’autre assez démonstratifs, et le style que l’on trouve riche au début s’avère très vite lourd. Sans parler de certains personnages dont la compagnie devient parfois ennuyeuse, voire dérangeante. Je pense notamment à la vieille dame noire qui agace très vite avec sa complainte de victime éternelle. Elle reproche à cette société de l’avoir été abandonné parce qu’elle est une femme de couleur et refuse par ailleurs d’être aidée par des blancs. Ses contradictions permanentes ont vite fait de m’énerver, m’ont amené à la trouver fortement antipathique et à percevoir dans son discours un racisme anti-blanc de mauvais aloi, ce qui n’était sans doute pas le but poursuivi par l’auteur. Il y a aussi ces retrouvailles entre un homme et une femme qui se sont quittés quelques années plus tôt, elles s’achèvent de manière si tragique et si mélodramatique que cela en devient presque risible…

Mais ce n’est pas tout, plus j’avançais dans ma lecture, plus je constatais l’incapacité du romancier à relater l’ampleur et la nature du drame qu’ont vécu les laissés pour compte de la nouvelle Orléans lors du passage de l’ouragan Katrina. Pour qui voudrait en apprendre plus sur la question, je conseillerai plutôt de voir et revoir le documentaire de Spike Lee (sobrement intitulé Katrina) plutôt que de lire ce roman qui ne donnera qu’une version très superficielle des faits. Laurent Gaudé passe notamment tout à fait à côté de la chronologie des évènements et laisse penser que tout s’est déroulée en quelques heures alors que ce sont des jours entiers qu’a duré le véritable calvaire des victimes de l’ouragan. Trop centré sur quelques personnages, il n’évoque en rien l’écho qu’a eu l’évènement au niveau national, son impact réel sur la conscience politique américaine… Là n’était pas son sujet, me dira-t-on, Gaudé se veut plus intimiste, soit... Mais cette proximité avec ses personnages n’amène pas grand-chose, et n’apporte rien à la compréhension du drame qui apparait finalement comme une simple toile de fond où se débattent des personnages trop caricaturaux pour être totalement crédibles… Ouragan n’est ni un coup dans l'eau pour rien, ni un naufrage total, mais une franche déception.


Ma note : 5/10

Survey Craig - Le secret de Jasper Jones - Calmann Levy, 2010, 379 pages, 19,50€

Présentation de l'éditeur :

"Si j’avais affaire à quelqu’un d’autre, je tournerais les talons. Je ne me faufilerais pas sous le rideau de branches de l’acacia en baissant la tête. Je ne me raccrocherais pas à son tronc rugueux de crainte de trébucher. Je n’écarterais pas le feuillage. Je n’apercevrais pas une clairière. Et je ne découvrirais pas le secret de Jasper Jones."
Une nuit de 1965, Jasper Jones, le paria de la petite ville minière de Corrigan, le gamin à moitié aborigène, frappe à la fenêtre de Charlie Bucktin, treize ans. Il n’a confiance en personne, il a besoin d’aide, aussi Charlie accepte-t-il de le suivre jusqu’à cette jolie clairière enfouie dans le bush où l’attend une terrible découverte.
Cette nuit-là, Jasper Jones lui fait jurer de garder le silence. Mais ce secret bien trop lourd à porter pour des enfants n’est pas le seul qui lézarde la ville de Corrigan…

Mon avis :

Le récit évoque irrémédiablement Mark Twain et, même si l’action se déroule en 1965 dans un patelin australien, il règne dans ce roman une atmosphère « amérique d’antan » pleine de charme. Le suspense, pas spécialement haletant, est néanmoins de bonne facture. L’auteur a résolument choisi d’accorder plus d’importance à ses personnages qu’à l’action. Ce qui n’empêche pas les cent dernières pages du livre d’être tout simplement passionnantes.
Là où le bas blesse, c’est plutôt dans certaines longueurs. Je pense en particulier aux dialogues, Survey se regarde parfois écrire. Il laisse parfois ses personnages converser de chose en d’autres sans que cela serve réellement l’intrigue, et sans que cela soit toujours réellement intéressant. Exemple : il fait quelques pages sur Charlie et son meilleure ami qui conversent de la question de savoir si Batman est plus courageux ou non que Superman. Attendrissant peut-être dans un premier temps, un tel dialogue devient vite pesant quand il occupe l’essentiel d’un chapitre. L’autre souci concerne parfois les réflexions du personnage principal, parfois un peu trop mièvres, et certains passages consacré à sa relation avec son amoureuse, à la tonalité un brin « fleur bleue ».
Malgré ces réserves, le secret de Jasper Jones est un bon roman, une chouette lecture qui devrait plaire aux amateurs de suspense policier comme aux tenants de la littérature générale.
Ma note : 7/10

lundi 16 août 2010

Brussolo Serge - Les bêtes - Gérard de Villiers, 1990

Brussolo décrit dans les bêtes une société qui a autrefois exclu les animaux, au point de considérer leur extermination comme un bienfait pour l’humanité. Appliquant l’adage populaire « Chassez le naturel il revient au galop » Brussolo imagine que quelques années après le grand nettoyage, une étrange épidémie semble toucher la population. Certains individus se mettent à avoir des comportements d’animaux, et pire encore, commencent à se transformer en bêtes. Rien de bien grave pour l’ordre public quand l’un d’eux se transforme en poisson ou en mouton, mais un brin plus problématique quand il s’agit d’un félin ou d’un ours. Zigfeld Hortz, le personnage principal du roman, fait partie des contaminés. Quand il se transforme, c’est pour devenir une bête féroce, ivre de violence et de sang.


La transformation du corps est un des thèmes récurrent de l’œuvre de Brussolo. Et « Les bêtes » peut sans conteste être considéré comme un de ses romans les plus emblématiques sur cette question précise. Il faut en revanche avoir l’esprit bien accroché pour avaler le caractère totalement invraisemblable des mutations décrites ici, et ne jamais perdre de vue que le rationalisme scientifique n’a pas court dans la science-fiction Brussolienne. Ce roman est plus à rapprocher de genres plus anciens, quelque part entre le fantastique, la fable ou le merveilleux. Malgré cette connaissance de l’œuvre, mon goût affiché pour cette dernière et la capacité du maitre à user de son imagination la plus débridée, j’avoue avoir eu un peu du mal avec les dernières péripéties du romans qui mettent en scène des transformations trop extraordinaires que pour paraitre crédibles. Mon sentiment face à ce roman est donc un peu mitigé : il est à la fois très représentatif de l’œuvre, et un peu trop « fou ».

Ma note : 6,5/10