samedi 28 février 2009

Anderson, Stephan - Sanguinaire engrenage - Fleuve Noir Gore 90, 1989

John Buck est un flic new-yorkais. Lassé de sa femme devenue, selon ses dires, une grosse truie informe, hérissé par la relation trop maternelle qu’elle entretient avec leur fils Richard, dix ans, il décide de se débarrasser d’elle avant que le rejeton ne devienne une lopette intégrale. Avant de débiter le corps de sa dulcinée en petits morceaux, il prend soin de la saigner et de récupérer la moindre goutte d’hémoglobine. Celui-ci servira de fortifiant à son fils afin qu’il devienne un homme. John Buck fait alors croire à son entourage, Richard, ses collègues, sa voisine, que son épouse, mère de famille indigne, a quitté le nid familial du jour au lendemain sans laisser d’adresse, pour vivre une passion amoureuse avec un homme fortuné. Le mensonge est gros, mais il passe. De son côté, jour après jour, son fils devient de plus en plus fort, de plus en plus violent aussi. Comble de l’ironie, il ressemble de plus en plus à sa mère…

Et bien, on pourra me dire ce qu’on veut de la collection Gore, on pourra blâmer ses couvertures criardes et sanguinolente, la qualité relative des textes publiés… Pour ma part, c’est le sixième titre de la collection que je lis et c’est le sixième titre que j’apprécie ! Il est vrai que j’ai abordé cette collection de manière prudente, choisissant des auteurs que j’appréciais par ailleurs (Andrevon, Arnaud), mais ici, je viens de découvrir un auteur dont j’ignorais tout, si ce n’est que, malgré un pseudonyme anglo-saxon, il s’agit d’un français. A ma connaissance Stephan Anderson n’aurait écrit que ce seul roman… J’ai du mal à le croire, tant celui-ci est maîtrisé. Peut-être ce nom cache-t-il un écrivain bien connu qui a préféré se cacher ? Brice Pelman es-tu là ? Cela ne m’étonnerait qu’à moitié… En tout cas Sanguinaire engrenage est un roman qui sait à la fois correspondre exactement à ce que l’amateur attend d’un roman de la collection Gore (du sang, des boyaux, de la rate et du cerveau…) et qui sait en même temps surprendre le lecteur, avec un humour noir, une ironie constante et un sens de la transgression catharsique parfaitement assumé. On se plait à voir ce héros cynique, sans aucun état d’âme, tomber dans cet engrenage sanguinaire dans lequel, on le devine, il se voit vite obligé de commettre un autre crime pour couvrir le précédent. On se plait à se voir décrire la relation étrange qui se noue entre lui et sa vieille fille quinquagénaire, Mademoiselle Rose qui lui sert de voisine. Une relation aux dialogues courtois et compassé, entrecoupée par des épisodes sexuels qui frisent la débauche totale. Comme si on passait d’Harlequin à Marc Dorcel.

Mon verdict est sans appel : du grand art. Ce roman se prend à la première ligne et ne se lâche qu’à la dernière. Pour l’instant ma meilleure découverte dans ce collection finalement pas si peu recommandable que cela.

Ma note : 9/10

lundi 23 février 2009

Ketchum, Jack - Cache-cache effroyable (Hide and seek) - Fleuve Noir Gore 27, 1984


Dan travaille comme ouvrier dans une entreprise de bois de charpente. Il faut dire que quand on est né à Dead River, patelin paumé et pauvre du comté de Washington, on n’a pas vraiment le choix. Aussi, quand il voit débarquer Casey, Kim et Steve dans leur Chevrolet décapotable blanche, il a l’impression d’emblée de se retrouver devant des extra-terrestres. Les trois gosses de riches forment une drôle de bande. Steven et Kim sont en couple, mais Steven, on le devine, en pince depuis toujours pour Casey. Et il n’est pas le seul. Dan tombe vite sous le charme sulfureux de la jeune fille à papa. Elle est belle et vénéneuse, étrange et malicieuse. Sa famille cache des secrets inavouables et elle se complait dans les sensations fortes, poussant Dan à faire l’amour dans les endroits les plus incongrus… Dan sait qu’il court à sa perte, qu’il n’est sans doute qu’un jouet pour cette fille qui joue la femme fatale. De son côté, Dan initie ces trois nouveaux amis au folklore local, il leur parle surtout de cette maison isolée que l’on dit hantée, maison anciennement habitée par un couple d’asociaux simples d’esprit qui avaient entretenus un nombre incroyable de chiens féroces. Ces derniers avaient disparus mystérieusement, et on avait sorti de leur maison une véritable meute aussi féroce qu’affamée. Depuis, la demeure était restée vide, les candidats à son habitation ayant préférés fuir une bâtisse qu’ils sentaient encore « habitées »… Toute cette histoire donne une idée à Casey…


Et un bon Gore de plus, un ! Il faut tout de même avouer que Cache-cache effroyable ne risque pas de satisfaire l’amateur de gore pur et dur tant la première partie s’apparente plus à un roman noir psychologique à la James Mc Cain, qu’à un roman d’horreur. Ketchum crée un un long climat d’attente absolument délicieux, brodant autour de la mystérieuse et sulfureuse Casey, une véritable aura de femme fatale et manipulatrice.

La deuxième partie, elle franchement plus gore, arrive donc un peu comme un cheveu dans la soupe, comme s’il s’agissait soudainement de faire entrer vaille que vaille un roman appartenant à un genre dans un autre ! Le virage, quoique bien amené, n’en reste pas moins quelque peu déroutant. On peut toute de même tirer de ces derniers chapitres, une signification presque allégorique de la liaison Casey-Dan… Mais cela reste à peine esquissé… Un roman déroutant, mais un titre important de la collection Gore, surtout pour sa première partie.


Ma note : 7/10

dimanche 22 février 2009

Pelman, Brice - Métro convention - Fleuve Noir Spécial Police 1841, 1983


Laura grison n’a que seize ans mais en parait dix-huit. Et elle est plutôt du genre jolie. Son père coiffeur, sa mère coutière, elle vit dans une famille qui ne roule pas sur l’or. Ce qui ne l’empêche pas de préparer son bac au cour Bossuet, une école plutôt réservée à l’élite de la société. C’est que sa mère a de grands projets pour elle. Elle rêve de la voir épouser un gars de la bonne société. Laura, elle, n’en a cure, pour le moment, elle se contente de se faire baiser par Hervé, copain de classe et amant, avec qui elle n’a que faire d’un hypothétique mariage. Un jour, Monsieur Maxime, le patron de son père, lui propose de travailler pour lui. Pas au salon de coiffure, non, quelque chose de plus… secret. L’homme reste vague, mais ses intentions semblent louches. Laura aimerait avoir le choix, mais Monsieur Maxime tient le sort de toute la famille entre ses mains. Laura ne veut pas voir son petit papa perdre son boulot…


« Métro convention » tire une grande partie de sa force dramatique d’un choix littéraire généralement efficace : le récit « naïf » à la première personne, ici, en l’occurrence, celui d’une gamine de seize ans. On la sent fragile et irresponsable, incapable de comprendre tout à fait dans quoi l’infâme Monsieur Maxime la fait entrer (le monde de la prostitution). Le lecteur devinant bien plus de chose qu’elle, il s’installe vite entre ce dernier et le roman un suspense assez insoutenable… Là où Brice Pelman fait fort, c’est qu’il ne tombe pas dans l’écueil malsain où le lecteur deviendrait le complice de l’infâme proxénète. Le suspense était d’une efficacité redoutable, Brice Pelman n’a pas besoin de pousser le bouchon trop loin et de tomber dans le scabreux pur et dur. De plus, l’héroïne, qui ne manque pas de caractère malgré son jeune âge, ne restera pas victime sur tout le roman et saura rivaliser de sang froid et d’ignominie quand viendra le moment de ne plus se laisser faire… Court et efficace, ce roman coup-de-poing se dévore d’une traite.

Ma note : 9/10


lundi 16 février 2009

Stork, Christopher - L'article de la mort - Fleuve Noir Anticipation 1222, 1983

Après une troisième guerre mondiale extrêmement destructrice, le seul corps encore constitué, la sphère administrative, a pris le pouvoir sur la terre entière. Elle dirige maintenant la destinée de seize milliards d’être humains à partir d’un satellite artificiel de forme sphérique qui tourne en permanence autour de la terre. Dans ce monde hautement administré, il est difficile d’avoir la moindre once de liberté. La milice surveille et contrôle les individus en permanence. Il y a bien des groupes terroristes, appelés les Anti-s, qui agissent de manière brutale, à coup d’attentats et d’empoisonnements. Mais cela n’a pas l’air de trop gêner la Sphère, la guerre contre ces terroristes renforce son pouvoir, et les victimes de leurs attentats sont peu de choses dans un monde surpeuplé, ou des centres d’I.V.V. (interruption volontaire de vie) se trouvent à tous les coins de rue…

Christopher Stork n’est pas un grand écrivain, il a même une fâcheuse tendance à recycler certains grands thèmes de la SF, sans pour autant tomber dans le plagiat, mais en laissant tout de même au lecteur avisé de solides sensations de déjà-vu. Un roman comme « L’usage de l’ascenseur est interdit aux enfants de moins de 14 ans non accompagnés » recyclait avec humour et brio les idées principales de « Les coucous de Midwich » de John Wydham. Un roman comme « Demain les rats » épouse, sans ambigüité certaines similitudes avec le célèbre « Demain les chiens » de Simak. « L’article de la mort » est un recyclage en règle de « Le meilleur des mondes » et de « 1984 ». Il y a donc peu de surprise véritable à la lecture de ce court roman… Mais il se lit pourtant à la vitesse grand V. Parce qu’il est léger, amusant et que le suspense est bien mené, que son côté adolescent et sa naïve approche de la révolution comme aboutissement alors qu’un minimum de maturité politique suffit pour savoir qu’il ne s’agit que d’un commencement, est finalement assez touchante. Naïve également nous paraitra, aujourd’hui forcément, son approche de la télématique. Mais pour un roman paru en 1983, soit quelques années avant l’apparition véritable d’Internet, et 2 ans avant l’avènement des premiers romans cyberpunk, ce n’était pas trop mal tapé et imaginer ces révolutionnaires du futur comme des hackers s’en prenant aux bases de données de la sphère était réellement précurseur.
Ma note : 6/10

lundi 9 février 2009

Corsélien - L'état des plaies - Fleuve Noir Gore 48, 1987

Corsélien ? Corps et liens ? C’est le pseudonyme d’un auteur plus connu sous l’autre patronyme de Kaa (référence au personnage du Livre de la Jungle). Un écrivain au style ciselé, acéré, dont les phrases ne peuvent être consommée que d’une manière : avec avidité et gourmandise… et cette dernière est d’autant plus malsaine qu'il s’agit d’une roman gore où le corps humain subit bien des outrages. Corsélien nous transforme en lecteurs-cannibales, avides de ses phrases morcelées, torturées mais jamais précieuses. Pourtant il ne joue pas sur l’accumulation pure de scènes d’horreurs, mais nous fait entrer dans le quotidien d’un personnage qui va côtoyer le mal au point de finir par s’y complaire plutôt que de l’affronter. Tripes aux vents, certes... mais surtout un cerveau en miettes. Cette version contemporaine de la bête du Gévaudan sent le souffre et la transgression permanente. Transgression morale (toute relative puisque la littérature de genre n’a pas attendu Corsélien pour s’y complaire) mais surtout transgression mentale, nécessaire pour raconter avec cette précision, cette acuité, la chute dans la folie d’un personnage en 150 pages chrono. Il faut un talent hors norme. Et Corsélien a tout d’un auteur hors norme. Une grande claque… J’ai encore la marque, là, sur la joue. Une plaie encore ouverte dans un drôle d'état…
Ma note : pas de note... j'attends que cela ne saigne plus... Juste indispensable...

mardi 3 février 2009

Thomas, Gilles - Les voies d'Almagiel - Fleuve Noir Anticipation 1746, 1990 (édition originale : même collection, n°832, 1978)

« Les voies d’Almagiel » nous raconte les aventures picaresques de Jatred, jeune serf de la planète d’Almagiel, astre arriéré régi par un système féodal moyenâgeux. Prisonnier de sa condition, le jeune serf nourrit une grande rancœur envers le système. Et sa rencontre avec Marcé, étrange seigneur qu’il sauvera de la noyade et qui, en retour l’achètera et l’affranchira, sera pour lui l’occasion de devenir enfin autre chose qu’un esclave : un agent de la B.A.E.F.T., le Bureau des Affaires Extérieures de la Fédération Terrienne.

Mon premier Gilles Thomas, et ce ne sera sans doute pas le dernier. J'aime le ton picaresque des aventures décrites dans ce roman. C'est de la SF mais on est beaucoup plus proche, dans l'esprit, d'un bon vieux Alexandre Dumas que d'Asimov ou de Dick. Malgré que l'on soit dans le divertissement et dans un univers de pure fantaisie, la thématique de l'esclavage est plutôt bien traitée. Ma seule réserve concerne le caractère un peu linéaire des évènements, on sent que l'on a plus à faire à une suite feuilletonesque d'épisodes qu'à un solide roman bien architecturé. Mais cela a son charme, surtout lorsqu'on ne s'embête jamais et que la romancière sait ménager les surprises.

Ma note : 7 /10

Mazarin, Jean - En une éternité... - Fleuve Noir Anticipation 1103, 1981

Nous sommes dans un futur proche, à la fois familier, technologique et sécuritaire. Ernest, cadre d’une multinationale chinoise de l’automobile, vit paisiblement avec son épouse Colombe dans un pavillon petit bourgeois. Une nuit, deux individus pénètrent dans sa maison. Il tue l’un des deux, l’autre s’enfuit. Très vite ce qui n’aurait pu être qu’un banal fait divers devient une affaire étrange. La milice mène son enquête, elle veut savoir pourquoi l’individu tué par Ernest n’est pas un être humain mais un androïde super sophistiqué d’origine inconnue, elle veut savoir également comment les deux individus ont réussi à entrer dans la maison alors que la serrure électronique ne semble pas avoir été brouillée… Ernest n’en sait pas plus que la milice, mais il comprend très vite qu’à ses yeux, il est devenu plus que suspect.

Un petit roman de science-fiction, vite lu, vite digéré. Il s’avère dès le début d’une lecture distrayante, et le thème des univers multiples, pourtant mille fois rabâché, est plutôt bien exploité, jusqu’à la surprise finale, en forme de blague qui achève de donner à ce roman un petit côté potache assez plaisant. Il est clair également que si l’écriture de Mazarin est plutôt simple et accrocheuse, ce roman n’a pas d’autre ambition que la distraction pure, et sur un thème commun, il n’arrive pas à la cheville de « L’univers en folie » de Fredric Brown. Ici, le délire n’est pas complet. De trop courte durée peut-être. A lire, à l'occasion...

Ma note : 6,5 /10