lundi 18 juillet 2011

Levison Iain - Trois hommes, deux chiens et une langouste - Liana Levi


« Trois hommes, deux chiens et une langouste » narre les aventures quasi-picaresques de trois paumés de l’Amérique profonde. Fumeurs de joints invétérés, ils profitent de leur rares moments de lucidité pour monter des coups foireux : le vol d’une Ferrari ou encore le braquage d’un fourgon de transports de fond…

Décidément, ce Iain Levison me plait de plus en plus. Ses récits savent être à la fois réalistes et amusants. A aucun moment on a vraiment la sensation qu’il ait été utile à l’auteur de grossir le trait. Il frappe juste et c’est drôle. Ses personnages, malgré leurs bêtises, sont attachants et la plume de Levison a été trempée dans l’encre des meilleurs observateurs des petites futilités humaines. Le quatrième de couverture évoque des similitudes avec les romans de Donald Westlake ou les films des frères Coen. Ce avec quoi je suis pleinement d’accord.

Ma note : 9/10

Jaenada, Philippe - Plage de Manaccora, 16H30 - Grasset 2009, Points 2010


Voltaire, sa femme Oum et leur fils Géo commencent à peine leurs vacances italiennes au fin fond de l’Italie (les Pouilles) lorsqu’une incendie de forêt se déclenche dans l’arrière-pays. Acculés à la mer avec des centaines d’autres touristes, ils se retrouveront coincés sur la plage de Manaccora avec la mer comme seul échappatoire… mais pas de bateau à l’horizon et la quasi certitude de mourir asphyxié ou noyé.

Sur une trame semi-autobiographique, Philippe Jaenada se place une fois de plus dans la peau d’un alter égo de papier pour mieux nous amuser de son regard burlesque sur la vie et sa dérisoire fragilité. Le récit de leur fuite est entrecoupé par de nombreux souvenirs, autant de flash-back sur une vie qui défile en boucle dans la tête du protagoniste. Malgré l’urgence de l’instant, l’angoisse de la mort, omniprésente dans ce livre, c’est drôle, caustique, humain et vivant. Et surtout, sans avoir l’air d’y toucher, avec son humour de potache, Jaenada arrive à trouver son vrai sujet : la question de la paternité et la nécessité inhérente de protéger les siens. Rires et émotions au rendez-vous donc. Un roman de l’été parfaitement décalé.

Ma note : 9,5/10

mercredi 6 juillet 2011

Monnin Isabelle - Les vies extraordinaires d'Eugene - JC Lattès, août 2010, 232 pages.


Eugène est né trop tôt et, terrassé par un staphylocoque doré, n'a pas vécu un semaine. Pour raison médicale, ses parents n'auront pas d'autres enfants, c'est certain. Eugène aura été le premier et dernier. Désemparé face à une épouse qui s'est enfermée dans un mutisme radical, la papa d'Eugène décide d'écrire l'histoire de l'enfant, de comprendre qui il a été, s'il a eu le temps d'être quelqu'un... Car "Un si grand chagrin pour si peu de vie, est-ce bien la peine ?" Historien de formation, il agit avec méthode, interroge les médecins, les infirmières... quitte à passer pour un original. Très vite, il dépasse le cadre "scientifique" de son enquête et se complait à imaginer qu'elle aurait été la vie du petit Eugène. Et le voilà, tel un détective de l'absurde, à épier les parents des enfants qui auraient été les futurs compagnons de crèche et de classe du regretté Eugène... Pure folie? Peut-être, mais à côté d'une épouse qui a commencé à coudre un modèle de pantalon dans toutes les tailles, il ne voit plus trop ce que cela peut avoir d'étrange...

Grand reporter au Nouvel Observateur, Isabelle Monnin livre un premier roman qui s'impose comme une des grandes révélations de l'année littéraire 2010. Traitant le sujet du deuil d'un nourrisson avec sensibilité et poésie, elle met sur pied un univers fantasque où une douce folie panse les plaies et où l'imagination sauve un couple à la dérive. Frais, illuminé par un humour revigorant et une écriture malicieuse, "Les vies extraordinaires d'Eugène" est un livre qui fait du bien.

Ma note : 9,5/10

Wells Dan - Je ne suis pas un serial killer - Sonatine, avril 2011, 269 pages

John Wayne Cleaver n'est pas un adolescent comme les autres. Incapable d'empathie envers un autre être humain, il a été diagnostique sociopathe. Renfermé, il a peu d'ami, se passionne pour les serial killers et, comble de l'ironie, aide sa mère et sa tante dans l'entreprise familiale : une entreprise de pompes funèbres.


Conscient qu'il possède le potentiel psychique et environemental pour devenir tueur en série, il a pris l'habitude de s'imposer des règles de conduite afin de paraitre le plus "normal" possible aux yeux des autres. La chose devient cependant difficile depuis qu'un serial killer a commencé à sévir dans la petite ville de Clayton County et que les corps atrocement mutilés des victimes transitent par l'entreprise familiale. Persuadé d'être plus à même que la police de trouver le coupable, John entame alors sa propre enquête.



Pour un premier roman, Dan Wells frappe juste: intrigue à rebondissements, "Je ne suis pas un sérial killer" est un roman qui mêle les genres (thriller et fantastique) avec talent. De la littérature populaire de qualité, quelque part entre Jeff Lindsay (Dexter) et Stephen King.


Ma note : 7/10

Vallgren Carl-Johan - Les Aventures fantastiques d'Hercule Barfuss - JC Lattès, janvier 2011, 356 pages.

Résumé de l’éditeur :

Dès sa naissance, une nuit de 1813 dans une maison close de Königsberg, le corps difforme d’Hercule Barfuss suscite l’horreur chez tous ceux qui le voient. Nain monstrueux, sourd de surcroît, Hercule a toutefois un talent singulier : celui de lire dans les pensées. Ce don de télépathie lui vaudra un destin marqué par le drame, peuplé d’ennemis, alors que le héros court le monde à la recherche de sa bien-aimée, la douce Henriette Vogel, née la même nuit dans le même bordel.

Mon avis :

« Les aventures fantastiques D’hercule Barfuss » ne sont pas sans évoquer Le parfum de Patrick Süskind, soit une littérature qui emprunte au conte sans grand souci de réalisme, ni scientifique, ni historique. De plus, la singularité de leur personnage principal respectif est analogue. Le héros du Parfum avait un odorat hors du commun, presque fantastique, celui du roman de Vallgren a un don surnaturel : il sait lire dans les pensées.

A l’instar de Süskind, Vallgren sait ménager le suspense, rendre ses personnages attachants et leurs mésaventures délicieusement picaresques. Seule la fin, à mon sens, tombe un peu dans un surnaturel et un sentimentalisme un brin trop poussé. Mais cela est largement compensé par la beauté de certaines parties qui forment presque des mini-récits en soi, toute son enfance au bordel, par exemple.


Ma note : 7,5 /10

Levison Iain - Arrêtez-moi là! - Liana Levi, mars 2011, 246 pages, 18€

Dans « Arrêtez-moi là », Iain Levison nous raconte l’histoire d’une erreur judiciaire. Celle qui frappe Jeff, taximen de Dallas, accusé du kidnapping et du meurtre d’une fillette de douze ans. L’homme s’est trouvé au mauvais endroit au mauvais moment, mais il est aussi « aidé » par des policiers incompétents qui ne savent enquêter qu’à charge et gaspillent leur énergie à fabriquer des preuves pour faciliter leur boulot. Il sera « Aidé » également par un avocat commis d’office qui ne croit pas à son innocence, et par un système judiciaire dans lequel l’expression « présumé innocent » n’est qu’une belle parole qui a peu de réalité effective.



Iain Levison dissèque les rouages de la société américaine avec un sens du détail et une ironie rares. Il nous plonge dans un enfer carcéral et mental duquel l’homme ne ressort pas indemne. Le lecteur non plus, tant ce roman s’impose comme une leçon noire magistrale sur la condition sociale de l’être humain. Brillant.



Ma note : 9,5/10